mercredi 17 août 2011

Mariage séparé : pour qui ? Pourquoi ?


J’étais dernièrement à un mariage.
Le marié était superbe, et la mariée merveilleuse.
Ils sont arrivés radieux sous la houpa.
La cérémonie était très émouvante.
Après le traditionnel « mazal tov », quelques danses et embrassades, chacun était invité à rejoindre sa place dans la salle : Les hommes d’un côté et les femmes de l’autre.

Ce n’était pas la première fête avec séparation à laquelle je me rendais, mais cette fois je choisissais de ne plus cautionner. Je profitais de mes voeux à la famille et aux mariés pour invoquer une excuse non conflictuelle et prendre discrètement congé de mes hôtes, tout à fait charmants au demeurant. Je n’aurai même pas connu mes compagnons de table, puisque de compagnonnes, fallait pas y compter.

Il y a quelques jours, c’était l’anniversaire de mariage de mes parents.
Mon père et ma mère se sont rencontrés à la noce de mon oncle et de ma tante.
Ils se sont vus, se sont plus, ils se sont aimés (je suppose, dès fois j’ai des doutes), et dans la foulée, je suis né. Et combien d’autres comme moi ?

Souvenez-vous. On a tous dans nos familles des couples qui se sont formés lors d’une de ces fêtes, mariage, bar mitsva, ou autre.
Regardez autour de vous, et comptez combien de gens ne seraient pas vivants aujourd’hui si on avait séparé les hommes des femmes là ou justement Dieu avait prévu que leurs parents se rencontrent.

Pourquoi alors séparer ?

Le monde fut créé en six jours. Chaque jour de la création, Dieu considéra que c’était bien (וירא ה' כי טוב) sauf au second jour. Car ce jour là, nous explique le midrash, il y eut séparation.

J’ai demandé plusieurs fois pourquoi donc imposer une séparation aux mariages. L’explication reçue est invariablement la même : la mise en présence d’hommes et de femmes peut créer des tentations. Quand je rappelle que les tentations sont partout dans la vie, j’entends souvent dire qu’étant assis à la même table, la promiscuité et l’alcool peuvent faire naître des idées peu…raisonnables.

Peut-être parlent-ils de la promise cuitée, dans ce cas je comprendrais que ça puisse faire désordre à un mariage. Et pourtant, si le mal provenait de l’alcool, ne serait-il pas plus simple de le supprimer des festivités plutôt que d’imposer une division des participants ?

Les rabbanim nous enseignent qu’on doit juger son prochain avec un à priori positif (lékaf srout). Pourquoi soudain lors d’un mariage, les invités sont considérés comme des obsédés sexuels potentiels ?

Dieu promit à Avraham de ne pas détruire Sodome et Gomorrhe, si elles renfermaient dix justes. Et à Sodome et Gomorrhe, les habitants étaient loin d’être des saints !

Est-ce que dans les mariages d’aujourd’hui, il n’y aurait même pas dix hommes qui seraient capables de ne pas se jeter sur leurs voisines comme de vulgaires dépravés ? Ou alors, devient-on plus exigeant que Dieu, punissant collectivement par anticipation toute l’assemblée, séparant les familles et les couples, empêchant à de nouveaux couples de se former et à des bébés de naître?

Et je ne parle même pas des quantités de zéra lébatala comme conséquence de ces non-rencontres. Mais voilà. Le zéra lébatala ne se voit pas, il se déverse généralement en cachette. Par contre, la séparation hommes-femmes est publique, elle se fait aux yeux de tous. Et c’est là toute son importance. Aujourd’hui, il semblerait que paraître soit préférable à être. La torah de l’intériorité c’est fini, vive la torah spectacle ! Ajoutons et montrons ! Les signes extérieurs de religiosité rendent les gens tellement plus respectables.

Quand Pharaon exigea de tuer tout nouveau-né mâle hébreu, Amram, futur père de Moshé, demanda alors au peuple de ne plus procréer, pour ne pas avoir à sacrifier les garçons.
Quand sa fille Myriam lui fit remarquer que sa décision était pire que celle de Pharaon car, de fait, il sacrifiait aussi les filles, Amram reconnut le bien-fondé de la remarque et il  revint sur sa recommandation.
Les Hébreux recommencèrent à procréer, et c’est ainsi que put naître Moshé.

Est-ce à notre tour d’empêcher à des enfants de naître par crainte que des convives aient de mauvaises pensées ? Au fond, est-ce vraiment les convives qui ont de mauvaises pensées ?

Combien de temps allons-nous continuer à reproduire la faute de Nadav et Avihou, à offrir à Dieu des sacrifices qu’Il n’a pas demandé ?

Peut être devrions-nous éviter de voir le mal là où il n’est pas, sinon, c’est nous qui le créons. Et s’il pointe tout de même le bout de son nez, pourquoi céder spontanément à la tentation de lutter contre ce mal par un autre mal encore plus grand ?

Et si nous faisions simplement notre travail sans vouloir empiéter sur celui de Dieu ? Il sait certainement ce qu’Il fait et ce qu’Il nous demande. « N’ajoutez rien…et ne retranchez rien » (Dévarim 4,2)
C’est l’enseignement de la torah, à appliquer quand on a la émouna.

Quand je pense que si le mariage où mes parents se sont rencontrés avait été séparé, je ne serais pas là pour vous embêter. C’eût été dommage, non ?

Que la clairvoyance de Myriam et l’humilité d’Amram éclairent encore notre peuple :
Ils ont permis à Moshé de venir pour nous sauver de l’esclavage.
A nous de permettre au mashiah de venir pour nous guider vers la guéoula.

le CLI

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