mardi 13 septembre 2011

La visite impromptue


L’autre jour, armé de bonnes intentions, je me suis rendu dans une des maisons de retraite de la région.

J’ai demandé au personnel s’il y avait là une personne âgée, seule, francophone de préférence, qui ne recevait pas souvent de visite. Ben oui quoi, c’est pas parce que vous me voyez toujours dire du mal que je ne fais jamais de choses bien.

L’infirmière m’indiqua donc un vieux monsieur portant kippa, assis dans un fauteuil, les yeux perdus dans ses pensées. Je me suis dirigé vers lui. J’ai pris une chaise et je me suis assis à ses côtés.
On a commencé à bavarder. Il a été surpris d’entendre que je parlais français. Et il a commencé à me raconter. Et il parlait, parlait. Ca se voyait que ça ne lui arrivait pas souvent.
Je lui donnais le change, et ça le relançait de plus belle.
Il me confia alors que ça lui faisait plaisir de parler car personne ne venait jamais le voir.
Je lui demandais s’il connaissait du monde en Israël.
« Bien sur » me répondit-il « J’ai beaucoup de famille dans tout le pays. Des cousins, des neveux et des nièces. Des gens très bien. Mais ils ont leur vie. Ils sont très occupés », me confia-t-il.
Quand il me dit son nom, je me rendis compte que je connaissais effectivement cette famille. Des gens très bien en effet. Des actifs, des respectables, des qui étudient, des qui prient, des qui souillent roche, et mêmes des qui enseignent la torah.
Par le plus grand des hasards, il se trouve que je venais de tous les rencontrer à une azkara qu’ils avaient organisé quelques jours auparavant, en souvenir d’un de leurs disparus.

Après une heure passée avec ce monsieur, je prenais congé de lui, lui serrant sa main entre les miennes. Ca n’a l’air de rien, mais je vous assure qu’il y a des petits gestes comme ça qui peuvent guérir les plus grandes blessures. Je lui disais au revoir en lui promettant qu’au hasard de mes visites, je repasserais le voir. « Promis, promis », lui dis-je, pour que cela devienne un engagement pour moi.

Avant de partir, je demandais à l'infirmière qui me confirma que personne ne venait jamais le voir.

Bien que la visite se soit bien passée, je quittais la maison de retraite avec le coeur lourd.

Parce que je repensais d’un côté à toute cette famille exemplaire que j’avais vu réunie à la azkara, et de l’autre côté, à ce petit vieux jeté dans son coin.
Et je me demande comment se fait-il qu’on arrive à trouver le temps de se réunir un jour précis à une heure précise, et qu'on ne trouve pas un moment, juste une heure à notre convenance, n’importe quand dans l’année pour venir rendre visite à un parent isolé.

Comment se fait-il qu’on ne manque pas de faire honneurs aux disparus mais qu'on oublie si souvent les vivants ?
Qu’est-ce qu’on attend ? Qu’ils soient morts pour se réunir et manger des cacahuètes ?

Quelquefois comme ça, j'ai l'impression que la torah est mal faite. Ou alors, c'est que nous devons l’appliquer mal.

le CLI

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