jeudi 5 juillet 2012

Le Rav People


Lorsque j’étais enfant, on m’a transmis l’enseignement suivant : "Quand on ne comprend pas une chose, il vaut mieux demander qu’on nous l’explique quitte à paraître bête cinq minutes, plutôt que de ne pas oser demander et rester bête toute sa vie".

Il y a quelque temps, je lisais un commentaire sur la parasha Chemot qui m’a quelque peu surpris. Appliquant le fameux conseil reçu dans ma jeunesse, j’écrivis au Rav pour lui demander qu’il m’explique. Sauf que le Rav en question ne m’a pas répondu. Je lui ai renvoyé mon message une seconde fois, j’ai su qu’il en a pris connaissance, et qu’il a donc choisi de ne pas me répondre. J’estime qu’il aurait quand même pu m’écrire deux mots, juste pour me dire qu’il n’a pas le temps, qu’il n’aime pas ma question, qu’il ne sait pas y répondre, enfin, quelque chose, quoi ! Rien. Je n’ai absolument rien reçu.

Certes, peut être n’a-t-il pas apprécié le ton quelque peu percutant de mon courrier. Pourtant, il contenait une véritable question à laquelle je n’ai toujours pas de réponse.

Sans plus attendre, voici donc le message que je lui ai adressé :

Chalom Rav XXXXXX

Je vous écris aujourd’hui car j’ai besoin de votre aide pour que vous puissiez me dire qui je suis et savoir quel doit être le chemin que doit suivre le juif qui veut à son tour être juste et sain(t).

En effet, je dois vous confier que j’ai l’habitude de fréquenter les prostituées, j’ai d’autre part couché avec ma belle-mère (la compagne de mon père), et j’ai fait affaire avec un proxénète pour qu’il prenne ma sœur, moyennant finance, dans son « écurie ».

Je ne sais pas ce que vous pensez de moi et ce que vous avez ressenti en lisant les lignes ci-dessus, mais puisque je vous sais honnête, je ne crois pas que vous avez eu envie à priori de me laisser seul avec votre femme, ou de me recommander auprès de votre sœur pour un shidouh. Me trompe-je ?

Et pourtant, dans XXXXXXXXX  paracha Chemot du 13 janvier 2012, vous écrivez: "Yaacov et ses enfants qui étaient tous des justes………car leur sainteté exceptionnelle leur permettait de dévoiler la présence divine.... Le secours viendra précisément des justes authentiques, comme Yaacov et sa famille...."

Sans avoir la prétention de me comparer à Yehouda, Réuven et à leurs frères qui ont trouvé grâce à vos yeux, je me demande à vous lire si je ne suis pas aussi un juste authentique dont la sainteté exceptionnelle permet de dévoiler la présence divine.

En effet, en vous avouant publiquement mon penchant pour les prostituées, ne suis-je pas aussi digne que Yehouda ?
D’avoir connu ma belle-mère, ne me rend pas aussi juste que Réuven ?
D’avoir vendu ma sœur Josepha, chose que malgré tout je regrette aujourd’hui, ne me rend pas au moins aussi saint que l’ensemble des frères?

En d’autres termes, recommandez-vous vivement aux enfants d’Israël d’accomplir ces trois actes car à vous lire, ils font partie d’un processus qui amène l’homme à acquérir « la sainteté exceptionnelle qui permet de dévoiler la présence divine » ?

Voilà. Après donc ces propos très troublants que vous avez tenus dans XXXXXXXXX de la semaine dernière, j’attends votre réponse avec beaucoup d’impatience.
Pour comprendre. Et partager.


Le CLI

PS : Pour acquérir la sainteté exceptionnelle, je recommande Svletana de la tahana merkazit de Tel-Aviv qui, contre un chevreau, sait se montrer très avenante.


Voilà donc le texte dont je me suis rendu coupable, et qui m’a fait mériter son mépris. Vous imaginez alors si comme Réuven, j’avais « connu » la femme du gadol ador ? Et si, de surcroît, ce gadol ador était mon père ?

Et pourtant, le Rav en question considère Réuven comme un juste authentique alors qu’il ignore totalement le juif que je suis, qui a pris le temps de le lire, de lui écrire, et même de le relancer.

Peut-être considère-t-il la Torah comme la presse people. Si tu es dedans, c’est trop la classe ! Tu peux alors te permettre tous les écarts du monde, tu restes à ses yeux un juste authentique une star, une vedette ! Regardez, il est dans le journal !! Mais si tu ne figures pas dans son magazine préféré, si tu l’interpelles avec des mots qui ne sont pas les siens, tu ne récoltes que son mépris. Des mots qui, soit dit en passant, ne diffèrent en rien de ceux employés dans le Tanah, « Tahana mercazit de Tel-Aviv » mise à part, et pour cause.

Peut-être n’a-t-il pas compris que si j’ai usé d’un langage un zeste provocateur, c’est justement pour mieux faire ressortir le paradoxe contenu dans ses propres propos. 

Car quand on choisit d’appeler « juste authentique » quelqu’un qui a vendu son frère, qui a « connu » la compagne de son père, ou fréquenté des prostituées, on sème le trouble chez les lecteurs attentifs qui sont en quête de vérité. Et la moindre des choses est d’apporter les précisions nécessaires quand elles nous le sont demandées. Combien d’autres lecteurs \trices ont pu rester dubitatifs en lisant son texte sans pour autant avoir pris le temps de lui écrire ?

Peut être aussi que les lecteurs avertis se font rares, puisqu’à force d’entendre une Torah distillée au parfum d’opium, beaucoup ont fui pour lui préférer l’ivresse des discothèques du vendredi soir.

Je reconnais tout de même que ce genre de prose peut parfaitement convenir aux béni-oui-oui, à ceux qui acquiescent à tout soit par hypocrisie, soit parce qu’ils font partie de ceux-qui–ne-savent-pas-questionner. Serait-ce là le seul public qu’on réserverait à la Torah ?

Le CLI
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