Ils sont sensés nous conduire aux plus belles unions. Ils se
heurtent pourtant à bon nombre de difficultés. Le yetser ara est alors montré
du doigt, quand ce n’est pas le tikoun et le yaïn ara qui servent aussi de
coupables idéals. Pour les moins mystiques, c’est le traditionnel « tu es
trop difficile » qui scelle l’aveu de l’échec. Et pourtant, dans une
société où le mariage occupe une place centrale, on est en droit de se pencher
sur le modèle proposé. Car si le système de rencontres subit effectivement quelques
ajouts, ceux-ci se limitent souvent à des changements d’ordre cosmétique. Sont-ils
vraiment suffisants ?
Voici donc un petit voyage dans le monde des shiduhim.
J’ai offert un cappuccino pour m’entendre dire que je suis
trop gros.
J’ai offert une pizza pour m’entendre dire que je suis trop
maigre.
J’ai offert un café pour m’entendre dire que je suis trop
religieux.
J’ai offert un coca pour m’entendre dire que je ne suis pas
assez religieux.
J’ai offert un jus d’orange pour m’entendre dire que je suis
trop petit.
J’ai offert une salade pour m’entendre dire que je suis trop
grand.
J’ai offert une limonade pour m’entendre dire que je suis
trop intello.
J’ai offert un café crème pour m’entendre dire que je ne
suis pas assez intello.
J’ai offert des sushis pour m’entendre dire que je
n’étudiais pas assez.
J’ai offert un thé
pour m’entendre dire que j’étudiais trop.
J’ai offert (tu sais quoi cher lecteur? Je te laisse la
place, écris ce que tu veux. T’inquiète pas, c’est moi qui paie).
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop sérieux.
pour m’entendre dire que je suis trop sérieux.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez sérieux.
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez sérieux.
J’ai offert
pour m’entendre dire que j’ai les cheveux trop courts.
pour m’entendre dire que j’ai les cheveux trop courts.
J’ai offert
pour m’entendre dire que j’ai les cheveux trop longs.
pour m’entendre dire que j’ai les cheveux trop longs.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je m’habille trop en couleurs.
pour m’entendre dire que je m’habille trop en couleurs.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je m’habille trop monotone.
pour m’entendre dire que je m’habille trop monotone.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je ne suis pas beau.
pour m’entendre dire que je ne suis pas beau.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop beau (non, ça c’est pas vrai. J’ai rajouté pour me faire plaisir).
pour m’entendre dire que je suis trop beau (non, ça c’est pas vrai. J’ai rajouté pour me faire plaisir).
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop introverti.
pour m’entendre dire que je suis trop introverti.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop extraverti.
pour m’entendre dire que je suis trop extraverti.
J’ai offert
pour m’entendre dire que ma voiture, bof.
pour m’entendre dire que ma voiture, bof.
J’ai offert
pour m’entendre dire que mon travail prend trop de place.
pour m’entendre dire que mon travail prend trop de place.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez investi dans mon travail.
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez investi dans mon travail.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop vieux.
pour m’entendre dire que je suis trop vieux.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop jeune.
pour m’entendre dire que je suis trop jeune.
J’ai offert
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez…
pour m’entendre dire que je ne suis pas assez…
J’ai offert
pour m’entendre dire que je suis trop…
pour m’entendre dire que je suis trop…
J’ai offert
pour m’entendre dire que je n’ai pas de…
pour m’entendre dire que je n’ai pas de…
J’ai offert
pour m’entendre dire que j’ai trop de…
pour m’entendre dire que j’ai trop de…
J’ai offert
pour m’entendre dire que ma famille…
pour m’entendre dire que ma famille…
J’ai offert
pour m’entendre dire que quand même…
pour m’entendre dire que quand même…
J’ai offert
pour m’entendre dire qu’il n’y a pas vraiment de raison mais…
pour m’entendre dire qu’il n’y a pas vraiment de raison mais…
Finalement, il a bien fallu me rendre à l’évidence : j’étais
un cas grave. Surtout que la délicatesse avec laquelle toutes ces choses m’ont
été dites ne laissait aucune place à l’ambiguïté. Apparemment la tsniout, ça ne
doit concerner que les habits. Suis-je vraiment le seul à m’être senti démoli
de la sorte ?
A vrai dire, je ne sais pas qui a institué le système des
shiduhim, mais il est clair qu’il n’y connaissait rien à la psychologie. Ou alors,
peut-être bien qu’il détestait les Juifs, qui sait ?
Il est quand même intéressant de remarquer que lors de ces
rencontres :
-environ 97% des filles m’ont laissé payer sans broncher.
-environ 3% ont fait le geste de participer. (Bravo
mesdemoiselles)
-Seules 5% d’entre elles ont eu la présence d’esprit de dire
merci.
Ce qui m’inspire le conseil suivant aux organisateurs
de ces pratiques: s’ils souhaitent améliorer sensiblement le taux de réussite
des shiduhim, il serait temps d’instituer que ce soit les filles qui payent.
Est-il bon de signaler que :
La première voulait savoir si j’avais une voiture, la marque
et l’année.
La seconde voulait savoir si je gagnais plus de vingt milles
shekels par mois.
La troisième m’a demandé si j’étais en location ou
propriétaire de l’appartement que j’habitais.
La quatrième imposait comme condition qu’on l’amène chaque
année à l’étranger.
La cinquième voulait arriver en hélicoptère à son mariage.
La sixième voulait habiter là et pas ailleurs.
La septième exigeait l’équivalent de son poids en bijoux,
soit environ le stock de deux places Vendôme,
La suivante avait ses copines assises incognito à la table
d’à coté.
La suivante est venue avec sa sœur.
La suivante est venue avec sa mère.
La suivante a envoyé son Rav à sa place (je vous assure, ça
existe).
N’étant ni un adepte de la prostitution déguisée en mariage,
ni une bête de foire qu’on exhibe à son clan, j’usais de pincettes pour
m’extirper de ces situations délicates en tentant, autant que faire se peut, de
ne pas blesser celles, et aussi celui, qui me faisaient face. (Pincette :
objet fin et discret tombé en désuétude mais souvent sujet à contrefaçon, exhibée
à outrance pour étaler sa bonté).
Il y a tout de même une qualité commune à ces personnes que
je me dois de reconnaître: elles portaient toutes des vêtements hyper-tsniout.
Je crois même avoir reconnu sur l’une d’elles la robe que portait Alice Sapritch
dans « la Folie des Grandeurs ». Dans certains cas, on se demande si
la burka ne serait pas plus seyante. Avec une ouverture 16/9 pour faire plus
moderne.
Après donc quelques années (oui, j’ai une patience qui me
porte parfois (souvent) préjudice), après donc quelques années disais-je, je
décidais d’aller dans des endroits ou personne ne vous sépare pour vous dire
ensuite qui rencontrer. Où personne ne contrôle la vie de l’autre, sans en
avoir les capacités. Où les malheurs des uns ne font pas le bonheur des autres,
des sauveurs improvisés pour résoudre des problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés.
Dans des soirées festives donc, j’ai rencontré des filles, certes
pas très couvertes, mais avec une vraie simha et qui ont trouvé chez moi
quelques qualités. Soudain je n’étais plus un vilain petit canard. A croire que
c’est dans les clubs et les cafés de Tel-Aviv qu’on apprend à juger lekaf
zrout.
Quel bonheur de parler à une fille simplement ! Une qui
n’est pas là en train de remplir son QCM pour (se) prouver scientifiquement que
tu n’as la moyenne. Ainsi, de fil en
aiguille, j’ai fini par rencontrer une jolie poupée avec laquelle je passais
quelques nuits délicieuses. Vivant j’étais ! Comme ça fait du bien de se
sentir enfin Homme ! Et même si, après tant de castrations, il faut pour
cela s’aider de cachets.
Bien que très différents, on apprenait à se connaître et à
se respecter. Elle était attachée à sa liberté autant que j’étais attaché à mon
Dieu. Ca faisait juste un peu désordre de faire le kidoush pendant qu’elle se
cuisinait une escalope normande. Ce fut le shabbat sans voiture qui eut raison
de notre duo amoureux. Toute la semaine à travailler sans pouvoir partir en tioul
le samedi avec son chéri, ça ne pouvait pas durer. Et comme personne ne voulait
lâcher, on a fini par se lâcher mutuellement.
Quelques temps après, je rencontrais une autre fille sympathique
qui me permettait, elle aussi, d’exister en tant qu’homme. Mais très vite, là encore,
la religion vint se dresser entre nous et mettre un terme à notre idylle.
Je reprenais alors ma vie de solo, ne sachant comment me
sortir du dilemme suivant : si avec une hilonite c’était difficile de
construire sans devoir brader mes convictions, je me voyais mal jouer à nouveau
le mendiant de l’amour, à faire le beau devant une personne qui veut tellement
mon bonheur qu’elle me submerge de questions pernicieuses, tout ça parce
qu’elle possède le sésame qui lui octroie ce pouvoir, à savoir le numéro de
téléphone d’une fille bien et de bonne famille. Soit dit en passant, c’est aussi
comme ça qu’on m’avait décrit celles qui
ne savent même pas dire merci.
(Vous savez quoi ? Je ne leur en veux même pas. On leur
a tellement inculqué que parler à un garçon qu’on ne connaît pas c’est pas
bien, malsain, vilain, péché, caca, vulgaire, sale, dangereux et honteux, que même
lorsqu’on leur permet, elles sont tellement mal à l’aise qu’elles brident leur
naturel. Et on peut alors oublier de dire merci quand on n’est plus soi.
D’un autre côté, nul n’est obligé de se coltiner une personne
qui a subi un tel lavage de cerveau qu’elle en a perdu toute réaction
spontanée. Fin de la parenthèse.
Un jour donc que je rentrais chez moi, je croisais la
philippine qui s’occupe de ma voisine, une vieille dame invalide dont les enfants
sont très occupés. Je lui demandais où elle allait, elle me dit qu’elle avait
deux heures de libre pour se promener. Je lui proposais de venir faire une
ballade en voiture. Elle s’est assise à mes côtés. Elle ne m’a pas demandé si
c’était un 4x4. Elle ne m’a même pas demandé la marque ni l’année. Elle était
bien au delà de ça.
Alors qu’on roulait, elle baissa la vitre et sortit la tête
par la fenêtre. « Qu’est ce que tu fais ? », lui demandais-je.
Elle se tourna vers moi et avec un grand sourire me dit « je respire
l’air. C’est bon ».
On s’est promené dans un parc. On a vu les fleurs, écouté
les oiseaux. Le temps est passé très vite. On consacra les dernières minutes qui
restaient pour aller manger un fallafel. Elle riait. Elle paraissait heureuse.
Je la ramenais chez ma voisine. Elle me fit une bise et rentra vite s’occuper
de la veille femme, lui préparer à manger, la nourrir, la porter, la torcher,
la laver, l’habiller, la coucher, lui allumer la télé, lui éteindre la télé, lui
faire le ménage, la lessive, le repassage, les courses. Ces filles-là font un
avodat kodesh.
Sans l’avoir étudié avec un grand kabbaliste à la mode,
elles ont depuis longtemps intégré ce qu’est le bitoul.
Car on aura beau suivre tous les cours de torah du monde,
faire tous les « nishma » avec les meilleurs rabbanim et rabbaniot du
monde, on n’atteindra jamais le niveau spirituel que procure le « naassé ».
A quoi bon apprendre à être quelqu’un de bien, si quand on doit passer à
l’acte, on laisse faire les autres ?
Les premières, enfermées dans leur tsniout d'ivoire, priant
Dieu pour qu'Il se bouge à leur place, seraient capables de croiser leur Cohen Gadol
sans le voir, et refuser de lui ouvrir leur kodesh akodashim.
Quant aux secondes, ballottées au gré des vents, elles n’ont
pas le loisir de tergiverser sur le bien-fondé de donner ou non à boire à l’étranger
Eliezer. Elles donnent, et elles vont naturellement abreuver ses chameaux.
C'est toute la différence entre l'intention et l'action,
entre celles qui veulent être des princesses et celles qui le sont.
Il n’y a rien de révolutionnaire dans ce que je raconte là. Déjà
Shimon atsadik, dans le Pirke Avot, disait (chap 1, mishna
17) : « J’ai passé toute ma vie au milieu des sages, et je n’ai
rien trouvé de plus salutaire que le silence ; Ce n’est pas l’étude qui
est essentiel mais la pratique ; et celui qui parle trop occasionne les
péchés.»
Mais voilà. Si on agissait plus, on aurait moins de temps
pour étudier. Que deviendraient alors nos prêcheurs ?
Et si nos filles pouvaient côtoyer librement l’inconnu
Eliezer, que deviendraient nos chadhanim ?
Alors on ne change rien. On poursuit le statu quo. On érige
des barrières autour du troupeau pour rester le berger. Dieu a donné le
libre-arbitre à l’homme et le berger lui a ôté.
Et pourtant, faire passer le nishma avant le naassé, c’est
mettre la torah à l’envers. Et le monde aussi.
Le CLI
© Le CLI pour http://lecli.blogspot.com/ Ne pas reproduire sans autorisation
betises .....!
RépondreSupprimer@Anonyme
RépondreSupprimerMerci d'avoir, en un seul mot, confirmé ce que j'ai écrit plus haut.
superbe texte!!!!!
RépondreSupprimerYen a aussi des filles "de bonnes familles" qui rencontrent normalement, sans passer par les shiduch.
a part ca une question pour l'auteur (une vraie question, ca n'est pas cynique): prefererais tu que ta fille soit dans la premiere categorie des filles strictes qui font des shidush ou la 2eme des filles ouvertes dans les bars?
A choisir, puisque la question m'est posée, je préfère une fille qui n'est pas certaine de détenir la vérité et qui a le courage de se remettre en question.
SupprimerBon et après toutes ces rencontres des exigeantes datiyot, de ces libres hiloniyot, en passant par les thaïlandaises, avez vous trouvé l'âme soeur (ou quelquechose qui y ressemble vaguement ) ??? LILI
RépondreSupprimerJoker. Mais le CLI n'est pas un blog personnel que j'utilise pour plaider ma cause. Il existe plein de juifs (et de juives) qui galèrent seul(e)s à cause d'un carcan qui n'a pas lieu d'être, et qui sert d'instrument de pouvoir à ceux qui l'instaurent. Il est tant de revenir à une torah authentique.
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